Fleury Michon fait de la CSRD un levier de transparence et de performance durable

Alors que de nombreuses entreprises françaises s’interrogent sur la mise en œuvre de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), certaines se sont déjà penchées sur l’exercice. C’est le cas de Fleury Michon, qui a initié une refonte de ses processus internes pour répondre à ces nouvelles exigences de reporting extra-financier. Pour Philippe Teisseire, le CFO du Groupe, cette démarche volontaire représente une opportunité stratégique de renforcer le lien entre performance financière et extra-financière.

De la DPEF à la CSRD : une anticipation stratégique

Entrée en vigueur en janvier 2024, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) marque un tournant majeur dans le reporting des entreprises européennes. Cette directive impose aux entreprises concernées de publier des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance, avec le même niveau d’exigence que pour les données financières.

Fleury Michon, acteur historique de l’agroalimentaire français fondé en 1905, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Pour Philippe Teisseire, CFO du Groupe : « L’avantage de la CSRD, c’est de lier encore davantage la performance financière et la performance non financière, et ainsi de donner à nos clients et investisseurs une lecture transparente de nos trajectoires d’amélioration ».

Le Groupe s’y prépare activement depuis plus d’un an, accompagné par le cabinet PwC. Une première étape cruciale a été franchie à l’été 2024 avec l’élaboration d’une matrice de double matérialité permettant d’identifier 25 IRO (impacts, risques, opportunités) évalués et priorisés. Avec une première publication de la CSRD prévue en avril 2026, l’entreprise compte « tester ses premières batteries d’indicateurs et ses processus début 2025 afin de mesurer son adéquation avec les besoins de la directive ». Une anticipation facilitée par la publication annuelle d’une DPEF (Déclaration de performance extra-financière) déjà riche en indicateurs audités.

Une transformation qui mobilise l’ensemble de l’entreprise

La mise en conformité avec la CSRD représente un chantier d’envergure qui nécessite une mobilisation collective. Si la direction de la transformation RSE, pilotée par Peggy Kerjean, et la direction administrative et financière orchestrent le projet, son succès repose sur l’implication de chaque collaborateur. « C’est probablement le défi majeur dans ce type de projets, analyse Philippe Tesseire. Chez Fleury Michon, l’adhésion s’est construite naturellement. Les équipes partagent la conviction profonde que la performance financière ne peut plus être le seul critère de réussite. Ce qui compte véritablement sur le long terme, c’est l’impact de notre activité sur l’environnement – un élément clé pour garantir la durabilité et la pérennité de notre entreprise. »

Une approche pragmatique et progressive centrée sur la donnée

Afin d’éviter de se perdre dans les détails au détriment de la vision globale du projet, la direction a positionné la CSRD comme un processus d’amélioration continue, sans exiger la perfection dès la première année. Un défi technique majeur réside dans la qualification et le suivi rigoureux des indicateurs de performance. « Parfois l’indicateur existe, parfois, il faut le créer et/ou le rendre plus robuste », précise Philippe Teisseire. Le Groupe peut heureusement s’appuyer sur « une cellule de gestion des données au sein de la DSI » qui travaille en parallèle sur la fiabilité des bases de données.

Cette transformation s’appuie sur le déploiement d’un nouvel ERP Groupe et d’un MES (Manufacturing Execution System) côté usine, qui permettent de « fiabiliser certains environnements de reporting et d’éviter des doublons de saisie, ou des erreurs de liens entre des tables de données ». Si la cinquantaine d’indicateurs déjà suivis dans la DPEF profite à l’exercice, le véritable défi réside dans l’intégration des nouveaux indicateurs requis par la CSRD. « Pour le dire plus simplement, la DPEF et ses 50 indicateurs donnaient lieu au recueil qualitatif de données éparses dans les systèmes que l’on rassemblait dans un unique fichier Excel au moment du reporting. La CSRD vient industrialiser la définition et la collecte de ces données et leur mise à disposition dans des systèmes d’information robustes, et accessibles en permanence », souligne Philippe Teisseire.

Une transformation durable du modèle d’affaires

Pour Fleury Michon, cette démarche d’industrialisation du reporting extra-financier va bien au-delà de la conformité. Depuis 2021, les établissements bancaires tiennent compte de la performance extra-financière des entreprises dans l’indexation de leurs taux d’emprunt. Jusqu’à présent, chaque banque définissait ses propres indicateurs RSE, multipliant les demandes d’indicateurs spécifiques auprès des entreprises. La CSRD, en imposant des indicateurs standardisés, va considérablement simplifier ce dialogue : désormais, tous les acteurs financiers évalueront la performance RSE sur les mêmes critères, rendant les échanges plus fluides et la comparaison plus pertinente.

Si le chantier de mise en conformité avec la CSRD est toujours en cours, Fleury Michon a déjà cartographié avec précision les « 700 points de données matériels » à suivre, dont deux tiers sont qualitatifs. Au-delà des enjeux de fiabilisation des données quantitatives, le Groupe concentre ses efforts sur trois priorités stratégiques : la sécurité alimentaire, la sobriété énergétique et l’adaptation au changement climatique. Cette transformation s’incarne dans ses innovations avec le développement de tranches végétales. Une rupture stratégique majeure pour ce spécialiste historique de la charcuterie, comme l’explique Philippe Tesseire : « Regrouper tous les savoir-faire du Groupe dans un produit qui offre les mêmes avantages que les tranches de charcuterie de porc ou de volaille, mais avec 80 % de CO2 en moins : c’est cela, s’engager concrètement pour une transition durable du modèle d’affaires ».

En anticipant ainsi les exigences de la CSRD, Fleury Michon montre qu’une ETI peut transformer une contrainte réglementaire en opportunité pour renforcer sa résilience et sa compétitivité.

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