Décarbonation : les stratégies gagnantes pour allier transformation et performance économique
Face aux enjeux climatiques et énergétiques qui redéfinissent l’économie mondiale, la décarbonation s’impose comme un facteur clé de compétitivité pour les entreprises. Au-delà des obligations réglementaires, cette transformation ouvre la voie à de nouveaux modèles d’affaires plus résilients et performants. Fort de son expertise auprès des fonds d’investissement, Arthur Laurent, Manager chez Blunomy, analyse les leviers stratégiques de la transition bas-carbone, s’appuyant notamment sur l’accompagnement réalisé pour plusieurs entreprises du portefeuille d’Azulis Capital.

Le regard d’Arthur Laurent, Manager chez Blunomy
Cabinet de conseil en stratégie, créé en 2007, Blunomy accompagne les entreprises – industrielles, secteur tertiaire, énergéticiens, banques et fonds d’investissement – sur tous les sujets liés à la transition énergétique et climatique. L’équipe spécialisée sur les fonds d’investissement travaille sur les thèses d’investissement, due diligence et accompagne les entreprises des portefeuilles sur les sujets de décarbonation, croissance et développement de nouveaux business.
Comment accompagnez-vous les acteurs du capital investissement dans la décarbonation de leur portefeuille ? Pouvez-vous revenir sur la mission que vous avez réalisée auprès d’Azulis Capital ?
Sollicités par Azulis Capital pour accompagner six entreprises de son portefeuille, nous avons déployé une méthodologie structurée permettant de retravailler leur trajectoire carbone.
Notre intervention s’est articulée autour de deux phases complémentaires. Dans un premier temps, nous avons procédé à une analyse approfondie des diagnostics d’émissions de gaz à effet de serre préexistants. En effet, sous l’impulsion d’Azulis, chacune des sociétés avait déjà réalisé un bilan carbone sur l’ensemble des scopes 1-2 et 3 et commencé à établir une trajectoire de réduction des émissions carbone. Ce travail nous a permis d’identifier avec précision les principaux postes d’émission de chaque entreprise et d’établir des fiches détaillées reflétant leur profil carbone spécifique. La seconde phase a été consacrée à la revue et à l’approfondissement des feuilles de route de décarbonation. Nous avons ainsi analysé avec le management de chacune des sociétés les actions concrètes et échelonnées – à court, moyen et long termes – de réduction des émissions carbone, tout en intégrant les perspectives d’acquisitions stratégiques.
Ce projet a nécessité une collaboration étroite avec les équipes d’Azulis Capital et le management des sociétés pour appréhender finement les modèles économiques des différentes entreprises. Nos échanges directs avec l’équipe Azulis et les dirigeants de chaque entreprise ont été déterminants pour calibrer nos recommandations. Les participations d’Azulis Capital font preuve d’un bon niveau de maturité en matière de décarbonation avec notamment la prise en compte du scope 3, même si l’étendue des leviers d’action variaient de l’une à l’autre. Nous avons également prévu un suivi annuel, avec des trajectoires précises incluant des jalons temporels et des objectifs quantifiés. Notre approche s’est concentrée sur des actions concrètes, réalistes et mesurables.
Observez-vous un intérêt croissant des fonds d’investissement pour la décarbonation ?
Nous assistons à un véritable tournant dans l’approche des fonds d’investissement face aux enjeux climatiques. La crise énergétique récente a joué un rôle de catalyseur, révélant la fragilité de nombreux business models face aux risques énergétiques. Cette prise de conscience ne se limite plus aux seuls acteurs industriels à forte intensité énergétique ; elle s’étend désormais à l’ensemble du tissu économique.
Ce qui caractérise aujourd’hui ce mouvement, c’est l’arrivée à maturité de nombreuses solutions de décarbonation économiquement viables. Les approches de sobriété, qui nécessitent des investissements limités tout en générant des résultats tangibles, constituent notamment une première étape accessible à toutes les entreprises. L’évolution est également technologique, avec des solutions qui permettent désormais d’envisager une transformation profonde des modèles économiques sans sacrifier la compétitivité.
Face à cette dynamique, les enjeux réglementaires, bien qu’ils connaissent des fluctuations comme le récent recul sur le calendrier de la CSRD ou l’abaissement de certains objectifs gouvernementaux, continuent de structurer le cadre d’action, notamment en Europe où notre dépendance aux importations énergétiques demeure un défi stratégique. L’accent mis sur la décarbonation par l’Union européenne, avec notamment les objectifs du paquet législatif Fit for 55 ou plus récemment le Clean Industrial Act et ses 100 milliards d’euros qui prévoient d’être alloués à la décarbonation, témoigne de cette dynamique fondamentale qui dépasse les aléas politiques de court terme.
Quels sont les principaux leviers à la décarbonation au regard des différents périmètres d’émissions ?
Appréhender les défis de la décarbonation exige une lecture précise selon les trois périmètres d’émissions généralement étudiés.
- Scope 1 – les émissions directes : le défi est avant tout technique et financier, particulièrement dans les secteurs industriels. La transformation implique souvent le remplacement d’équipements et de processus historiques, avec des investissements élevés qui peuvent temporairement affecter la compétitivité.
- Scope 2 – les émissions indirectes liées à l’énergie achetée : c’est aujourd’hui le chemin le plus balisé. Des solutions matures comme les contrats d’achat d’électricité verte à long terme (PPA) ou les installations solaires décentralisées offrent des alternatives viables avec des modèles économiques éprouvés.
- Scope 3 – les émissions indirectes sur l’ensemble de la chaîne de valeur : il constitue sans doute le territoire le plus complexe à explorer, mais en même temps le plus intéressant. Sa maîtrise repose sur des leviers moins évidents : recherche de nouvelles solutions techniques, négociation avec les fournisseurs, redéfinition des cahiers des charges, et accompagnement des clients vers des usages plus sobres des produits et services.
Quel rôle les fonds d’investissement peuvent-ils jouer dans cette transition ?
Face à l’ampleur des défis environnementaux, nous sommes convaincus que les fonds d’investissement occupent une position stratégique qui leur confère une responsabilité particulière dans cette transformation. Ils disposent pour cela de deux principaux leviers.
Tout d’abord, flécher stratégiquement les capitaux vers les entreprises engagées dans la transition écologique ou en pleine transformation – ce que nous appelons le « brown to green ». Ces investissements créent un double impact positif, à la fois environnemental et économique sur le long terme.
Ensuite, les fonds peuvent inscrire la décarbonation au cœur de la stratégie des entreprises en portefeuille, à l’image de la démarche d’Azulis Capital. Notre conviction est qu’à horizon cinq ou dix ans, les entreprises qui auront réussi leur transition écologique présenteront une valeur supérieure, la pérennité des modèles économiques étant désormais indissociable de leur dimension durable.
Comment conjuguer ambition climatique et performance économique dans une trajectoire de décarbonation ?
Bâtir une trajectoire de décarbonation efficace repose sur trois piliers essentiels :
- Mesurer avec précision l’empreinte carbone actuelle pour identifier les postes d’émissions critiques et évaluer les solutions disponibles.
- Définir des objectifs chiffrés associés à des échéances claires en intégrant pleinement ces évolutions dans le business plan
- Ancrer cette stratégie dans l’organisation avec des responsabilités explicitement attribuées et un suivi rigoureux des indicateurs, au même titre que les indicateurs de performance financière.
La décarbonation ne peut plus être perçue comme un simple exercice de conformité. Notre accompagnement auprès d’Azulis Capital le démontre clairement : les entreprises qui l’intègrent au cœur de leur stratégie réinventent leur modèle économique et renforcent leur position concurrentielle. Dans un contexte d’instabilité énergétique et d’exigences croissantes des parties prenantes, les sociétés qui anticipent cette mutation présentent une résilience accrue et saisissent des opportunités inaccessibles aux acteurs plus traditionnels. C’est avec cette conviction que Blunomy accompagne la transformation des modèles économiques, la performance environnementale devenant désormais une condition essentielle à la performance financière.