Décarbonation et compétitivité : le pari gagnant d’Euradif
Réduire son empreinte carbone de 30 % d’ici à 2030 tout en restant compétitif : c’est le défi que s’est lancé Euradif, entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de portes d’entrée en aluminium. À travers son projet structurant REVE’RSE, Euradif transforme progressivement ses modes de production et sa chaîne de valeur. Cédric Juliard, son président, Sonia Christiaens, Directrice Générale Adjointe Finance, et Amandine Faller, responsable amélioration continue, QHSE et RSE, témoignent de cette démarche qui réconcilie transition écologique et excellence opérationnelle.

Fondée en 1994 et célébrant aujourd’hui trois décennies d’expertise, Euradif illustre comment une PME industrielle peut intégrer les enjeux environnementaux au cœur de son modèle économique. L’entreprise B2B, qui a évolué de la fabrication de décors vers la production de portes complètes s’adresse principalement aux fabricants de menuiserie. Implantée à Béthune dans les Hauts-de-France, avec un site secondaire dédié au thermolaquage dans les Flandres, Euradif s’est distinguée par son engagement précoce en matière de RSE et d’ancrage territorial, comme en témoignent les labels French Fab et Coq Vert qu’elle a obtenus. Pour Cédric Juliard, qui préside l’entreprise depuis janvier 2024, cette dimension responsable constitue un pilier historique de la culture d’entreprise qui guide désormais sa stratégie de décarbonation.
Une démarche structurée et ambitieuse
La trajectoire de décarbonation d’Euradif s’est construite méthodiquement. « Nous avons démarré en 2022 avec l’arrivée d’Amandine Faller pour structurer notre démarche RSE », précise Cédric Juliard. Cette initiative s’est concrétisée en 2023 par la réalisation du premier bilan carbone, avec l’accompagnement du programme Décarbon’Action de Bpifrance. « Nous nous sommes approprié la méthodologie et réalisons désormais notre bilan carbone en autonomie », ajoute le président. En 2024, sous l’impulsion d’Azulis Capital, un diagnostic RSE complémentaire mené par Grant Thornton a permis d’identifier précisément les Objectifs de Développement Durable prioritaires pour l’entreprise.
C’est dans ce cadre qu’est né le projet REVE’RSE, aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris : une baisse de 30 % de l’empreinte carbone d’ici à 2030 et la neutralité d’ici à 2050. Chaque lettre de cet acronyme porte une ambition : Réduction des déchets, Efficacité énergétique, Valeurs Responsables, Économie circulaire, Résilience, Sensibilisation des collaborateurs et Équilibre entre performance économique et responsabilité sociétale.
Des leviers d’action multiples et des innovations constantes
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, Euradif déploie une stratégie reposant sur plusieurs leviers complémentaires. Le premier concerne la chaîne d’approvisionnement. « Notre action commence dès les matières premières, affirme Cédric Juliard. Nous avons établi avec nos fournisseurs des objectifs précis pour réduire progressivement l’empreinte carbone de nos matériaux. L’aluminium, composant essentiel de nos produits, fait l’objet d’une attention particulière : nous privilégions désormais l’aluminium décarboné, produit à partir d’électricité verte. »
L’économie circulaire constitue un autre axe majeur de cette transformation. « Nous développons activement ce que nous appelons la boucle fermée, poursuit le Président. Concrètement, nous organisons avec nos fournisseurs la récupération de nos déchets de production pour qu’ils soient réintégrés dans le cycle de fabrication des matières premières. » Cette démarche s’applique selon un ordre de priorité établi à l’ensemble des matériaux utilisés.
Pour garantir l’engagement de toute l’entreprise, la direction a intégré ces objectifs environnementaux dans sa politique de management. « L’ensemble des membres du Comité de pilotage, soit onze personnes, sont évalués sur des KPI incluant des objectifs RSE directement liés à notre trajectoire de décarbonation, souligne Sonia Christiaens. Ces indicateurs influencent leurs bonus annuels, ce qui transforme l’engagement écologique en objectif de performance concret et mesurable. »
Sur le plan énergétique, l’entreprise multiplie les initiatives. « Nous avançons simultanément sur plusieurs fronts : autoconsommation électrique, installation de bornes de recharge et renouvellement de notre flotte vers des véhicules hybrides », détaille le dirigeant. Euradif a également fait le choix de renégocier ses contrats d’électricité en faveur d’une énergie verte.
Les investissements techniques constituent un levier déterminant de cette transformation. « Chaque renouvellement d’équipement devient une opportunité de décarbonation, explique Sonia Christaens. Nos nouveaux compresseurs en sont l’illustration parfaite : au-delà du simple remplacement, nous avons développé un système qui capture la chaleur dissipée et la réinjecte dans notre circuit de chauffage, transformant un déchet énergétique en ressource précieuse. » Cette approche systémique se décline à tous les niveaux : remplacement intégral des éclairages par des LED dans les quatre bâtiments du groupe, installation de capteurs intelligents sur les machines de production pour cartographier précisément les consommations et identifier les gisements d’économies.
L’innovation se poursuit jusque dans les processus de fabrication. « Notre technique de thermolaquage représente un défi particulier, explique Amandine Faller, responsable amélioration continue QHSE et RSE. Elle implique la polymérisation de peinture en poudre dans un four au gaz à des températures de 180-190°C. Nous travaillons actuellement sur une nouvelle formulation de poudre qui polymériserait à seulement 140°C, réduisant significativement notre consommation de gaz et nos émissions. » Cette avancée nécessite une approche collaborative à tous les niveaux. « Je collabore avec notre directeur industriel, ainsi qu’avec les équipes de maintenance et les fabricants de poudre, poursuit-elle. Nous créons de véritables groupes de travail où chacun apporte son expertise pour résoudre ensemble ces défis techniques. »
Les défis surmontés et les clés du succès
Cette transformation se heurte à quatre défis majeurs, comme le souligne Sonia Christiaens. « Le premier défi est financier : les investissements dans des équipements performants et des process repensés nécessitent des ressources significatives qui ne sont pas immédiatement rentabilisées, imposant une planification rigoureuse sur le long terme. »
Le deuxième défi est technique : « Réduire notre empreinte carbone implique de revoir en profondeur certains de nos process. L’intégration d’aluminium recyclé, de colles non CMR ou de poudre basse cuisson demande du temps pour tester et optimiser, sans jamais compromettre qualité et délais de production. »
L’accompagnement au changement constitue le troisième enjeu : « Une transformation de cette ampleur exige l’adhésion de tous. Notre atelier sur la fresque du climat et notre projet REVE’RSE transforment cette transition en aventure collective et motivante. »
Enfin, l’entreprise doit composer avec les réalités du marché : « Les clients ne sont pas toujours prêts à absorber des hausses de coûts liées à des pratiques plus durables. Nous optimisons donc nos processus pour innover sans impacter nos prix, en travaillant sur les rendements énergétiques, la réduction des déchets et l’optimisation des achats. »
« Entre 2023 et 2024, nous avons réalisé 11 % de baisse de notre empreinte carbone », analyse Cédric Juliard. Pour le dirigeant, cette performance repose avant tout sur un changement culturel profond. « Cette démarche fait désormais partie de notre ADN collectif. Elle n’est plus perçue comme une contrainte mais comme une dimension naturelle de notre quotidien, au même titre que l’attention portée à l’excellence opérationnelle. La décarbonation est devenue un moteur d’innovation continue qui nous pousse à réinventer constamment nos processus. » Un changement de paradigme qui fait d’Euradif un modèle inspirant de décarbonation dans l’industrie !
Les conseils à retenir
- Désigner un référent dédié pour porter et animer la démarche au quotidien
- Réaliser son bilan carbone pour connaître son point de départ et prioriser les actions
- Embarquer toutes les parties prenantes dans un engagement collectif
- Définir des KPI mesurables permettant de suivre les progrès et d’ajuster la stratégie