L’actionnariat salarié, un vecteur de performance
L’actionnariat salarié a connu un vif succès en France en 2019, grâce à la loi Pacte. Alors que les effets de la crise pourraient faire craindre un ralentissement de ces opérations, il faut au contraire voir dans ce système un véritable remède anti-crise.
Permettre aux salariés de percevoir une part des bénéfices produits par leur entreprise n’est pas une idée nouvelle. Les racines de l’actionnariat salarié remontent à 1959, toutefois le véritable tournant est plus récent. « La loi Pacte a eu un rôle décisif. Les mesures qui y figurent ont apporté de nombreuses évolutions qui ont déjà eu un impact important sur le développement de l’ensemble des dispositifs de partage de la valeur », constate Nicolas Aubert, professeur de finance à l’IAE d’Aix-Marseille Université et directeur du centre de recherche en management d’Aix-Marseille Université (CERGAM).
D’après le premier rapport du Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte publié en septembre 2020 « si l’impact des nouvelles dispositions Pacte n’est pas visible en niveau à ce stade, les flux semblent positifs »1. De quoi laisser espérer atteindre les objectifs de la loi Pacte, soit 10 % d’actionnariat salarié dans le capital des sociétés françaises en 2030.
Si l’objectif semble ambitieux – en 2018, 3,2 % des salariés d’entreprises du CAC 40 bénéficiaient d’une forme d’actionnariat salarié –, la France se démarque néanmoins par ses bonnes pratiques. Pas moins de 40 % des salariés actionnaires en Europe sont français, soit 3 millions de personnes. L’inspiration serait plutôt à chercher du côté des États-Unis. « Le pays fait référence en matière d’actionnariat salarié. Aux États-Unis, les auteurs de référence parlent de capitalisme de partage ou ‘shared capitalism’. Ce sont essentiellement les PME qui le développent. Il est en effet plus aisé de partager les objectifs avec ses salariés dans une PME ou une ETI que dans une multinationale », explique Nicolas Aubert. En France, cependant, la mise en place d’un tel dispositif est essentiellement le fait de grandes entreprises ou de start-ups.
Les vertus de l’actionnariat salarié
L’adoption de l’actionnariat salarié par un nombre croissant d’entreprises souligne l’appétit des collaborateurs pour ces dispositifs. Ainsi, malgré les incertitudes de 2020, les taux de participation des salariés à ces opérations ont atteint un niveau supérieur aux années précédentes. De quoi réjouir le management, car « l’implication des salariés au capital a un impact significatif sur la performance des entreprises », témoigne Nicolas Aubert. Une donnée qui prend d’autant plus de sens en période de difficultés.
Le premier vecteur de performance est sans surprise financier. L’actionnariat salarié permet d’aligner les intérêts de toutes les parties prenantes de l’entreprise, et renforce la motivation des collaborateurs.
Les bénéfices non financiers sont tout aussi importants, notamment en période d’incertitude économique. Il limite ainsi les départs et le turn-over des équipes, permettant à la société de retenir ses talents et d’être en ordre de marche pour participer à la relance.
Il s’agit, de plus, d’un outil de management efficace, qui améliore la motivation et l’esprit d’équipe, car la prime est collective et non individuelle. L’actionnariat salarié participe par ailleurs à l’attachement des collaborateurs à leur entreprise. « En 2020, dans le classement américain du magazine Fortune des 100 entreprises où il fait bon travailler (100 Best companies to work for), 78 ont une forme d’actionnariat salarié. Les 22 entreprises restantes sont à but non lucratif et ne peuvent pas avoir d’actionnariat salarié », souligne Nicolas Aubert.
Enfin, les sociétés qui pratiquent l’actionnariat salarié démontrent une sensibilité plus élevée à la RSE. Sans oublier que les entreprises plus avancées en matière de RSE et de gouvernance ont mieux résisté au cours de la crise, révèle notamment un sondage de l’IFA (Institut français des administrateurs).
Le private equity, promoteur du partage de la valeur
Les acteurs du capital-investissement sont devenus les premiers déclencheurs de l’actionnariat salarié dans les entreprises non cotées. Ils ont su profiter de leur facilité à parler à tous les échelons dans les sociétés. Ce rôle est appelé à s’étoffer, car le gouvernement souhaite renforcer ce dispositif encore trop cantonné aux grands groupes. Le modèle à suivre serait celui des États-Unis où environ 20% des salariés, soit environ 32 millions, détenaient une forme d’actionnariat salarié2 contre environ 8 millions en Europe3. —
Les initiatives du private equity en faveur de cette forme de partage de la valeur avec les salariés devraient être d’autant mieux accueillies que la crise a démontré les vertus du dispositif. Véritable levier de performance économique, l’actionnariat salarié répond aussi aux aspirations d’un capitalisme redéfini, soucieux de son capital humain.
2 Source : https://www.esop.org/
3 Source : http://www.efesonline.org/annual%20economic%20survey/presentation%20fr.htm